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Parole d'experts

Les huiles et graisses sont mieux traitées par une microstation que par un filtre compact : FAUX !

Traitement des huiles et grasses filtre compact ou microstation

Une fosse toutes eaux bien conçue, élément de traitement primaire indispensable de la filière filtre compact, constitue un très bon dégraisseur pour des effluents domestiques. C’est pour cette raison que les règles de l’art du prétraitement, décrites dans le NF DTU 64.1, précisent que « le bac dégraisseur n’a pas d’une manière générale d’utilité, sauf besoin particulier ».

Le laboratoire IR&D de Premier Tech à Mèze (Hérault) a travaillé spécifiquement sur la dégradabilité des lipides des eaux usées domestiques dans les fosses toutes eaux[1][2]. La biodégradation des graisses dans la fosse toutes eaux a été démontrée et s’illustre par exemple par des taux similaires de lipides dans les boues et dans les flottants.

La fosse toutes eaux : excellent dégraisseur des effluents domestiques

On rappelle qu’une fosse bien conçue permet un très long temps de séjour des matières qui ont été retenues par décantation et flottation. De ce fait, la fosse à elle seule permet d’éliminer environ 80 % des huiles et graisses, avec des concentrations en sortie de fosse de l’ordre de 20 mg/L[3]. Les acides gras résiduels hydrolysés seront ensuite tranquillement biodégradés par voie aérobie dans le filtre compact aval, bien conçu pour atteindre les niveaux de rejets réglementaires sur le long terme.

La biodégradation des graisses dans le traitement primaire des microstations n’est pas optimale

D’un autre côté, il est connu[4] que les graisses peuvent avoir un impact négatif dans les bassins d’aération des procédés intensifs aérés, avec notamment un transfert d’oxygène réduit ou le développement de bactéries filamenteuses, avec pour conséquence des performances épuratoires plus faibles[5]. De plus, le traitement primaire des microstations à culture fixées proposées en ANC ne fonctionne pas véritablement comme une fosse toutes eaux, en raison notamment du dimensionnement souvent moins important du décanteur et surtout du fait de la recirculation de la biomasse aérobie issue des réacteurs aérés.

Cette recirculation des boues aérées peut avoir deux impacts négatifs :

  1. la surcharge du traitement primaire qui fonctionne alors simplement comme un accumulateur de boues.
  2. la plus faible biodégradabilité des boues (les boues secondaires aérées sont théoriquement déjà bien minéralisées et donc peu biodégradables)[6].

Du fait de ces deux impacts, la biodégradation des graisses dans le traitement primaire des microstations n’est pas optimale.

Vitesse ascensionnelle et surface de décantation : la bonne équation pour éviter les départs de boues

Sur un plan plus général, pour assurer la fonction de décantation des matières, le traitement primaire d’un dispositif d’ANC doit être conçu selon les bases de dimensionnement reconnues, à savoir que la surface utile de décantation doit être adaptée aux forts débits observés en ANC. Cette surface doit permettre d’obtenir une vitesse ascensionnelle (Va = débit entrant / surface utile) la plus faible possible[6]. Pour les dispositifs d’ANC agréés en France, on mesure des Va variant du simple au triple avec certains dispositifs, notamment des décanteurs de microstations, ayant des Va de l’ordre de 3 m/h alors que la limite admise est de l’ordre de 1,5 m/h. De ce fait, il est logique que des départs de matières puissent avoir lieu en sortie de décanteur.
 

Traitement des huiles et grasses : filtre compact ou microstation ?
Schéma du décanteur idéal

 

Outre ces arguments techniques, si les graisses posaient un problème généralisé sur les filtres compacts d’ANC, comme certains l’affirment, il est fort probable que les 5 millions de foyers équipés d’une fosse toutes eaux en France se seraient manifestés !

Bien entendu, les règles de l’art imposent que dans le cas d’effluents spécifiques, comme en sortie de cuisine de restaurant, un prétraitement (dégraisseur bien dimensionné et entretenu) soit réalisé avant admission dans la fosse toutes eaux. De même les grosses quantités d’huile ou de graisse (ex : bain de friture) ne doivent pas être dirigées vers un assainissement, collectif ou non.

Des études scientifiques démontrent que les procédés mettant en jeu une fosse et un filtre biologique compact bien conçu sont parfaitement adaptés au traitement des eaux usées domestiques justement car ils ont la capacité à répondre aux grandes variations de charges hydraulique et organique prévalant en ANC[7][8].

Références scientifiques et techniques

[1] STARCK, S. (1992). Étude préliminaire de dégradation en anaérobiose des lipides des eaux usées domestiques. DEA National d’Hydrologie. Faculté de Pharmacie - Montpellier. [2] SABIL, N. (1991). Activités enzymatiques dans des boues résiduaires anaérobies. Interactions hydrolases additifs minéraux. Thèse Université Montpellier I. [3] SEABLOOM, R.W., T.R. BOUNDS, AND T.L. LOUDON. 2005. Septic Tanks Text. in (M.A. Gross and N.E. Deal, eds.) University Curriculum Development for Decentralized Wastewater Management. National Decentralized Water Resources Capacity Development Project. University of Arkansas, Fayetteville, AR. [4] GRULOIS, P, ALRIC, G, BROCHON, J.P., BRIDSOUX, G., MANEM, J. (1993). L’élimination des graisses par traitement biologique aérobie. TSM l’Eau, n°5.

[5] CANLER, JP, ROYER, C, DUCHÈNE, P. (2000) - Le traitement biologique aérobie des graisses issues d’installations domestiques - Sciences Eaux & Territoires, - revue-set.fr. [6] H. PHILIP, A. RAMBAUD, J.L. VASEL (2008). Assainissement non collectif des habitations – Fonctionnement et dimensionnement. Editions Techniques de l’Ingénieur, W 6 602 – 1 / 20. [7] FALIPOU, E. et BOUTIN, C. (2020). Fiche technique du dispositif Ecoflo®PE2 selon la méthodologie d’évaluation de « Assainissement non collectif. Le suivi in situ des installations de 2011 à 2016, Boutin et al., 2017 », INRAE, UR REVERSAAL, 1 p. [8] E. FALIPOU, C. FAVRE, R. LACASSE et C. BOUTIN (2022), Water Science & Technology Vol. 85, No 4, p. 1090-1106.

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